Tu me niaises-tu ?


Bon matin! Il est tôt, il fait frette dehors, je suis le premier levé ici, ma blonde et les gosses dorment. Assis au coin du feu, je prends ma plume pour…. non. Pas de cheminée, un clavier en guise de plume, il ne fait que -7°C dehors (pas vraiment frette donc) et ici on ne dit pas « gosse », enfin…. je vous laisserai vous renseigner.

Je voulais jaser un peu avec vous du parler québécois, en espérant que ma courte expérience ne me fasse pas tomber dans la caricature!

Jaser = discuter; en France, on l’utilise plutôt pour décrire un commérage, mais pas ici. Mais vous connaissez dorénavant ce mot par cœur avec onjaseduquebec.fr …

Les photos de cet article sont issues de notre fin de semaine à Québec, ce sont des sculptures sur glace qui représentent chacune une expression québécoise…. Défi: essayez de les deviner! Ne descendez pas trop bas à chaque fois, car la réponse est dans la légende de la photo.

Un froid de canard.
Facile? Attendez, c’est l’échauffement!

Mais commençons par l’oral: vous ne m’entendrez pas ici me moquer de l’accent québécois. En effet, ils n’en ont pas: ce sont les français qui en ont un! Nous avons toujours fait attention à ne pas caricaturer cet accent ici (enfin… pas trop!) car Aude et moi l’aimons vraiment. Et parler d’un accent québécois, c’est oublier les accents de chaque région du Québec. Ce serait comme oublier l’accent marseillais, l’accent Ch’ti ou (le meilleur pour la fin) l’accent stéphanois! Un collègue, pour se moquer de notre vision de maudits français sur leur accent, s’est mis à me parler avec l’accent français (oui je sais, ça ne veut rien dire l’accent français… haha vous me comprenez maintenant?): bluffant, et j’ai bien compris que les québécois se moquent parfois de notre accent eux-aussi!

Tu veux-tu un peu de fond musical pour lire cet article? celui-ci fera bien sa job: Les cowboys fringants – le plombier. Si tu comprends tout du premier coup, cet article ne t’apprendra rien. Si tu veux progresser, lis les paroles en même temps!

Crier au loup.
Encore trop facile? Câlice, échauffez-vous!

Ce qu’on aime découvrir tous les quatre, ce sont les expressions québécoises! Quand l’un de nous en découvre une, il la partage le soir à table! Je vais tenter de vous en faire découvrir à mon tour, alors accrochez votre tuque, c’est l’fun!

Tuque = bonnet pour les maudits français.

D’abord ici, l’anglais a moins sa place. Vous ne chercherez pas un parking, mais un stationnement. Vous n’avez pas profité de votre week-end, mais de votre fin de semaine. Ici, le français se pratique comme une langue de combat, à défendre. Bref, ils ont bien moins cédé à l’anglais, et pour de bonnes raisons: le reste du Canada est anglophone, les USA sont proches, donc le français, pour perdurer, doit se défendre. Peut-être une source d’inspiration pour nous, qui adorons regarder une vidéo en streaming, quand notre planning le permet, entre deux mails et en buvant un ice-tea.

Je cite mes sources: cette belle interview de Martine Delvaux et Hélène Dorion, deux autrices québécoises, dont je vous recommande.

En réalité, les québécois utilisent des mots anglais, mais pas les mêmes que nous, et bien moins souvent que nous. J’espère ne pas vous bullshitter ici, mais j’en ai peu en tête. Sauf pour un domaine qui est évident: l’auto. Toutes les pièces d’une auto se disent en anglais ici: les wipers pour les essuie-glaces, les galipeurs dérivés des calipers pour les étriers de freins, un seal pour un joint, etc. Je suis content d’avoir travaillé pour un constructeur de camions mondial, je connais à peu près ces mots et peut affronter un garagiste, ouf!

Le mot « auto » est plus utilisé ici que « voiture », et le mot « char » est plutôt passé de mode.

Un nouveau fond musical à propos des galipeurs: Les 2 minutes du peuple – concessionnaires.

Pelleter par en avant.
Cela veut dire reporter une action ou un décision difficile.
Cela fait référence à quelqu’un qui déneige en pelletant la neige en avant de lui, ce qui l’amène à cumuler cette dernière dans son chemin. Il doit donc déplacer une quantité de plus en plus grande de neige au fur et à mesure qu’il progresse. Un jour ou l’autre, il ne pourra plus pelleter par en avant.

Ici, l’expression citée plus haut « accrochez votre tuque » n’est quasiment pas utilisée, on dira plutôt « accroche ta tuque! »: on se tutoie quasiment tout le temps ici. C’est l’fun, j’vous dis.

Qu’est-ce que ça mange en hiver?
Si un québécois vous répond ça, il ne s’attend pas à ce que vous lui parliez de cuisine ou de gastronomie! Il veut seulement dire qu’il ignore de quoi vous parlez et qu’il veut que vous lui précisiez de quoi il est question. C’est l’équivalent de notre « qu’est-ce que c’est? »

Revenons aux expressions que nous adorons. Certaines nous font « capoter »!
Par exemple, si un collègue apprend une nouvelle très surprenante à un autre, l’autre peut lui répondre « ça a pas de bon sens » ou (mon préféré) « Voyons donc! ».
Ou un élève d’Aude lui a déjà dit que ce qu’il a vu sur une vidéo est « épeurant ». Joli, non?
Dans l’fond, les expressions typiques se découvrent petit à petit. Les français sont dans le champ en pensant qu’il suffit de finir sa phrase par « tabernacle » pour parler comme un québécois. Par contre, « crisse » s’entend souvent, mais c’est un juron, et comme plusieurs enseignant(e)s nous lisent, je ne vais pas l’expliquer pantoute.
Et il y a aussi des mots que nous connaissons très bien, mais utilisés différemment: ici, si j’ai stationné mon auto et ai oublié de payer, je peux recevoir un « ticket » et non une amende là. Ça me fera « capoter », mais pas de joie. « Capoter » est le mot qui me surprend le plus: souvent utilisé pour décrire une grande joie (je skie avec mes amis: je « capote » !), mais aussi une colère ou de l’anxiété. « Crisse », que c’est complexe.
Un peu plus dur: un élève peut mettre son « aiguisoir » et son « cartable » dans son « sac à dos ». Ayoye, ça commence à être difficile, un français un peu épais risque d’être perdu et de passer pour un niaiseux. J’ai fait ma job en vous donnant le peu que j’ai découvert, vous pourriez me dire merci, je vous répondrai « bienvenue » car ça fait plaisir.

Je vous lance un deuxième défi, même un concours! Dans le paragraphe ci-dessus (qui commence par « Revenons… » et finit par « … plaisir »), devinez combien il y a de mots ou d’expressions québécoises et citez-les. Les expressions entre des guillemets ne comptent pas. J’attends vos réponses en commentaire de l’article, la première ou le premier à bien répondre pourra déguster mes muffins faits-maison! Soit en venant nous voir dans ce beau pays, soit dès notre retour!

Un peu de vocabulaire pour ne pas vous perdre trop: aiguisoir = taille-crayon pour les maudits français ; cartable = classeur ; sac à dos = cartable.
Bienvenue = de rien, c’est dérivé du « welcome » anglais.

Les bottines suivent les babines.
Cela veut dire qu’il faut joindre le geste à la parole, ou faire ce qu’on dit. On dit souvent « faut que les bottines suivent les babines » ou « il est temps que les bottines suivent les babines ».

Je finis par une expression qui m’énerve: quand vous appelez un serveur vocal et que vous tombez ENFIN sur un humain, ou quand l’employé d’un magasin est ENFIN disponible pour vous, s’il vous dit « ce sera pas bien long », cela veut dire…. cela ne veut rien dire d’autre que « ça prendra le temps que ça prendra mais je ne suis pas disponible, attendez ici entre 30 secondes et 85 minutes, je reviens ». Ca, ça m’éneeeeeeeeeeeeeeeeeeeeeerve. Mais quand j’y pense, en France on me disait « je reviens dans 2 minutes » et ces 2 minutes n’étaient pas pour autant respectées! Bref…. le problème n’est pas la langue, mais ma patience…

Attache ta tuque avec de la broche!
La tuque est le bonnet d’hiver et la « broche » du fil de fer. L’expression fait donc allusion à une tempête qui pourrait vous arracher le bonnet et veut dire, de façon très imagée, qu’il faut se préparer à une situation mouvementée, qu’elle soit positive ou négative!

Pour conclure, si vous trouvez que les québécois ont des expressions bizarres, dites-vous qu’ils pensent la même chose des français! La blague que j’entends souvent est que nous français disons tout le temps « du coup »: « Je n’ai pas pu faire ceci. Du coup, j’ai fait cela ». Une compagnie aérienne, qui vient d’ouvrir une nouvelle ligne Montréal-Paris a même fait cette publicité pour les québécois:
« Du coup, préparez-vous à dire du coup ».

D’ailleurs, c’est une nouvelle ligne aérienne low-cost (câlice, un anglicisme!)… raison de plus pour venir goûter mes muffins!

Une grippe d’homme.
Maladie bénigne dont les symptômes sont exagérés.
Cela montre un fossé entre les québécois et les français, ceci n’existant bien sûr pas du tout en France.

PPS: Christine, toi qui habites au Québec depuis tant d’années, tu valides-tu cet article?

A tantôt! J’arrête ici de faire mon vieux loup, pour rejoindre ma blonde et mes ti-culs. N’oubliez pas de répondre en commentaire pour tenter de gagner le concours!!!!

Un vieux loup.
Une personne expérimentée, généralement dans un domaine particulier, qui a une grande connaissance de la vie ou d’un métier. En France on dit plutôt « un vieux loup de mer » ou « un vieux briscard »

11 réponses à “Tu me niaises-tu ?”

  1. Merci merci pour ce message linguistique
    Alors pour le jeu : Dans l’fond; pantoute;j’ai stationné (nous plutôt garé) ; une amende là( pour le là que nous ne disons pas il me semble) ; ayoye ;un français un peu épais; niaiseux ; ma job
    Voilà j’adore les muffins 😜
    Amitiés

    • On s’approche!!!
      Le nombre est presque bon, mais attention:
      Je n’avais pas pensé que « stationné » était québécois (mais ça doit l’être!), donc il faut aussi trouver une autre expression québécoise cachée.
      Bonne chance pour le 2ème essai!

  2. 10
    Excellent, tu as du talent et franchement ça ne peut que participer à cette authenticité que les expatriés adorent !
    Merci c’était exquis !
    Les statues expressions de glace sont admirables ! Certaines tellement ciselées !
    Même si je perds, ne rentrez pas trop vite on viendrait bien… ou on echange nos maisons pour des vacances ?
    On vous embrasse !

  3. Ah mince j’avais loupé la consigne de les lister :
    1- Dans l’fond
    2- sont dans le champ
    3- pantoute
    4- là
    5- Ayoye
    6- un français un peu épais
    7- passer pour un niaiseux
    8- J’ai fait ma job
    9- donnant le peu
    10- ça fait plaisir

    • Tu es la gagnante !
      Il y en avait 9 en tout, tu les as trouvé (le « donnant le peu » n’était pas dans ma liste, mais comme tu as trouvé les 9 autres, je dois arrêter le concours sinon ce serait injuste), bravo!
      L’expression qui t’a permis de gagner face à Viviane Bedrines est « ça fait plaisir » que TOUS les commerçants disent, quand ils ne disent pas « bienvenue ».
      A toi les muffins! Et vous êtes les bienvenus pour venir!

      J’essaierai de garder des muffins pour Viviane et Bérangère qui sont dans le podium.

  4. Nico tu n’as pas honte de parler de tes gosses ouvertement comme ça avec tout le monde 🤣🤣🤣🤣
    Gros becs à toute la famille

Répondre à Nicolas Annuler la réponse

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *